Bill Gates l’appelle «capitalisme créatif» mais on peut aussi entendre parler d’ «entrepreunariat social», ou encore de «business éthique». Le prix Nobel de la paix, Muhammad Yunnus, préfére le concept de «social-business». Visant la résolution d’un problème de santé publique ou d’environnement sans aucune maximisation leurs intérêts, le social-business permet aux entreprises de se convertir en acteurs sociaux...parfois de poids.
Le concept de «social-business» est un alliage entre capitalisme et économie sociale. Initié par un professeur d’économie de Chittagong, Muhammad Yunnus, la création d’un social-business peut être l’affaire d’un individu comme d’une grande entreprise. Le principe ? Pour le pionnier du micro-crédit et prix Nobel de la paix, «il s’agit de créer une entreprise dans le but non pas de maximiser ses profits mais de résoudre un problème de santé publique ou d’environnement». Le concept est à la fois louable et contradictoire, surtout lorsqu’on sait que la théorie classique de l’économie consiste pour tout un chacun à poursuivre son propre intérêt au nom de l’intérêt général. La maximisation des profits est la préoccupation numéro un. C’est donc un véritable défi et une révolution du paradigme classique de l’économie que propose le pionnier du micro-crédit.
Et ça marche !
Si le social-business ne vise aucune fructification des intérêts de l’entreprise, celle-ci ne doit tout de même pas réaliser de perte (il s’agit quand même toujours d’une entreprise). Les investisseurs auront seulement le droit de prétendre au remboursement de leur investissement d’origine. Jusqu’à présent, le professeur d’économie bengali a réussi à convaincre les dirigeants de Danone de créer avec la Grameen Bank un «social business» spécialisé dans la fabrication et la vente de yaourts enrichis en nutriments pour combattre la malnutrition. Les produits sont du coup vendus à la population à un prix dérisoire.
Véolia s’est également creusé une place non négligeable dans l’univers du social-business. En partenariat avec la Division Française du groupe mondial des Solutions Phytosanitaires Durables pour l’Agriculture (BASF), l’entreprise se charge de filtrer l’eau des rivières et de la vendre aux particuliers, pour concevoir des moustiquaires traitées chimiquement, et ainsi enrayer le paludisme. Mais ce n’est pas tout. La multinationale a également décidé en 2008 de créer un social-business au Bangladesh face à la contamination à l’arsenic de l’eau des puits. Cette action sociale illustre à merveille le concept de social-business : face à un fléau de santé publique ("la plus importante contamination de masse de l'histoire", selon l'OMS), l’entreprise décide de créer une société pilote pour traiter l’eau des rivières et vendre de l’eau potable (à un prix extrêmement faible) à deux villages contaminés. Et le tout à but non lucratif. "En tant que leader mondial de services essentiels, Veolia a voulu apporter sa pierre à l'édifice des solutions pour améliorer l'accès à l'eau potable", explique Antoine Frérot, PDG de Veolia environnement.
Pour compenser, le groupe développe une activité complémentaire de vente de bonbonnes d'eau dans la capitale, Dhaka. Ainsi, "la vente à un prix plus élevé de l'eau aux habitants de la capitale permet de subventionner l'eau dans le village", explique Eric Lesueur, directeur du projet. L’équilibre économique de l’opération est prévu par le groupe à l'horizon 2014-2015.
Adidas s’est aussi mis au social-business. En proposant des baskets à un euro aux enfants bengali pour les protéger des parasites qui s’attrapent par les pieds nus, la firme allemande doit être, selon les principes du social-business, davantage attentive à son taux de pénétration dans les villages qu’au profit généré.
Le social-business au secours des restos du coeur
Il n’est pas obligatoire de quitter le territoire national pour faire du social-business. A fortiori en temps de crise, à l’heure où le chômage atteint des records et où la précarité sévit de plus en plus au sein de la société française. Suite à l’appel à la générosité nationale d’Olivier Berthe, le Président des «Restos du coeur», la grande distribution s’apprête à voler au secours de l’association. Depuis le début de l’hiver, les Restos du Cœur doivent faire face à demande en hausse de 5% à 8%, à laquelle ils ne pourront bientôt plus répondre.
Suite à une réunion le mardi 3 janvier autour du secrétaire d'État chargé du commerce Frédéric Lefebvre, et en présence des Restos du cœur mais aussi du Secours populaire, de la Banque alimentaire et la Croix Rouge, les enseignes de la grande distribution (Liddl, Carrefour, Casino, Leclerc) se sont «collectivement» engagées à mettre en œuvre un dispositif de soutien pour apporter les denrées alimentaires complémentaires. Dans un communiqué du 29 décembre 2011, Casino a annoncé participer dès le mois de janvier au don de denrées alimentaires. Le groupe de Jean-Charles Naouri assurera gratuitement la logistique ainsi que leur transport.
La prochaine étape de ce mouvement planétaire ? Muhammad Yunnus mise carrément sur «un marché financier réservé au social business, afin de faciliter l’accès des petits investisseurs à ce type d’entreprises».